Pour comprendre les risques encourus par les personnes qui participent à une manifestation sans autorisation sur la voie publique, il faut rappeler quelques règles concernant les réunions sur la voie publique.

Les réunions sur la voie publique quel régime ?

Les manifestations bénéficient d'un régime de liberté encadré, par opposition aux attroupements qui sont en principe interdits.

L'atteinte portée à la liberté d'aller et venir, liberté fondamentale, que les manifestations et attroupements entravent fonde les règles qui encadrent ou interdisent les réunions sur la voie publique

Il s'agit de la loi n° 1881-06-30 du 30 juin 1881, dont une partie n'est pas abrogée, qui pose le principe de leur interdiction.

Ce principe a été atténué par la jurisprudence et le décret-loi de 1935 qui, bien qu'abrogé en 2012, a vu une large part de ses dispositions reprises dans le Code de la Sécurité Intérieure.

Le régime reste malgré tout un régime d'autorisation préalable et il convient donc de distinguer ces deux types de réunions sur la voie publique.

1 – Les manifestations :

Il s'agit de réunions pour lesquelles une demande d'autorisation préalable a été déposée et qui ont été autorisées.

Le régime de l'autorisation prévoit, notamment, la désignation nominative de trois responsables avec le dépôt du parcours au moins 3 jours avant la manifestation auprès de l'autorité administrative compétente, mairie, préfecture ou à Paris préfecture de police.

Le décret-loi de 1935, édicté après les manifestations sanglantes du 6 février 1934, et qui était le texte réglementant le droit de manifester, a été formellement abrogé en 2012.

Une grande partie des dispositions prévues par ce texte se retrouve dans  le Code de la sécurité intérieure, art. L. 211-1

La liberté de manifester est protégée par les dispositions de l'article 431-1 du code Pénal

 Toutes ces dispositions sont applicables à des réunions sur la voie publique, préalablement déclarées, encadrées et sans débordement.

 Il faut ensuite aborder le deuxième aspect des réunions sur la voie publique, les attroupements.

2 – Les attroupements :

 Par définition, en droit,  un attroupement est menaçant.

 Article 431-3 du Code Pénal : "constitue un attroupement tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l'ordre public."

Compte tenu du risque de trouble à l'ordre public un attroupement peut être dispersé par l'autorité de police.

Différentes dispositions sont applicables :

Articles 431-4 à 431-8 du Code Pénal : concernent les attroupements

Il s'agit de délits passibles de un an d'emprisonnement à 15 000 € d'amende, sanction portée à 3 ans d'emprisonnement et 45000 € d'amende si l'auteur dissimule volontairement tout ou partie de son visage afin de ne pas être identifié ou lorsque la participant est porteur d'une arme.

Les sanctions peuvent atteindre 5 ans d'emprisonnement et 75 000 e d'amende lorsque le participant armé dissimule son visage et à 7 ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende en cas de provocation à un attroupement armé.

Des peines complémentaires sont prévues 431-7 et 431-8 du même code allant de  l'interdiction des droits civiques, civils et de famille, à l'interdiction de séjour, en passant par l'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation voire la confiscation d'une ou de plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition. 

Pour des ressortissants étrangers, l'interdiction du territoire français peut être prononcée pour une durée de dix ans au plus.

Articles 431-9 à 431-12 du Code pénal : concernent les manifestations illicites

Ces infractions sont sanctionnées par des peines s'échelonnant 6 mois d'emprisonnement et 7 500 € d'amende, à 3 ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende.

Des peines complémentaires identiques à celles-ci-dessus sont prévues.

De plus, dans une partie du Code Pénal, consacrée aux violences, une disposition concerne les manifestants :

L'Article 222-14-2 - Créé par LOI n°2010-201 du 2 mars 2010 - art. 1 (V)

"Le fait pour une personne de participer sciemment à un groupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de violences volontaires contre les personnes ou de destructions ou dégradations de biens est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende."

Dans le cadre de l’état d’urgence, la loi n° 201-987 du 21 juillet 2016, a modifié la loi n° 55­385 du 3 avril 1955. Dans son article 8 dernier alinéa, une disposition concerne les manifestations " Les cortèges, défilés et rassemblements de personnes sur la voie publique peuvent être interdits dès lors que l'autorité administrative justifie ne pas être en mesure d'en assurer la sécurité compte tenu des moyens dont elle dispose."

L'article 13 de cette même loi prévoit les sanctions applicables : "Les infractions aux articles 5, 8 et 9 sont punies de six mois d'emprisonnement et de 7 500 € d'amende.

Les infractions au premier alinéa de l'article 6 sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende.

Les infractions au deuxième et aux sixième à dixième alinéas du même article 6 sont punies d'un an d'emprisonnement et de 15000 € d'amende.

L'exécution d'office, par l'autorité administrative, des mesures prescrites peut être assurée nonobstant l'existence de ces dispositions pénales."

Ces sanctions s’appliquent aussi bien aux organisateurs ainsi qu’aux participants.

3 - Des dispositions pénales, sanctionnées par des peines contraventionnelles, et non plus délictuelles, sont également applicables aux personnes participant à une manifestation sur la voie publique.

Dans ce cas il n'y a aucune distinction entre manifestation autorisée ou non.

Il s'agit des dispositions sanctionnant la dissimulation du visage à côté ou dans une manifestation.

Article R 645-14 du Code Pénal :

"Est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe le fait pour une personne, au sein ou aux abords immédiats d'une manifestation sur la voie publique, de dissimuler volontairement son visage afin de ne pas être identifiée dans des circonstances faisant craindre des atteintes à l'ordre public.

La récidive de la contravention prévue au présent article est réprimée conformément aux articles 132-11 et 132-15.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux manifestations conformes aux usages locaux ou lorsque la dissimulation du visage est justifiée par un motif légitime."

Le montant de l'amende de 5ème classe est fixé par les dispositions de l'article 131-13 du code Pénal à la somme de "(…)  1500 euros au plus pour les contraventions de la 5e classe, montant qui peut être porté à 3 000 euros en cas de récidive lorsque le règlement le prévoit, hors les cas où la loi prévoit que la récidive de la contravention constitue un délit."

4 – des conséquences connexes :

Il est important de rappeler que toutes ces infractions sont mentionnées au casier judiciaire.

Or la mention d'une condamnation au casier judiciaire peut entrainer des incompatibilités professionnelles : fonction publique, certaines professions réglementées soumises à l'absence de mention sur le casier judiciaire, exercice d'un mandat social dans une société etc.

Il est possible lors de l'audience de solliciter une dispense d'inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire. Cette demande est laissée à l'appréciation des magistrats.

5 - Existe-t-il un fondement constitutionnel de la liberté de manifester ?

Aucun texte constitutionnel français ne consacre explicitement la liberté de manifester.

Le Conseil Constitutionnel dans une décision Cons. const. 18 janv. 1995, n° 94-352 a  reconnu un droit à l’expression collective des opinions. Toutefois le Conseil Constitutionnel n’a jamais consacré la liberté de manifester en tant que telle

6 - Des textes internationaux sont-ils applicables ?

La Convention européenne des droits de l’homme ne consacre pas de disposition spécifique à la liberté de manifester.

La combinaison de trois articles de la Convention européenne des droits de l'homme aboutit malgré tout à une protection de la liberté de manifester :

-           Article 9 : liberté de manifester ses convictions

-           Article 10 : liberté d’expression

-           Article 11 : liberté de réunion pacifique et d’association

7 - Modifications prochaines

Une nouvelle loi "visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations" a été adoptée et est actuellement déférée au Conseil Constitutionnel, affaire 2019-780 DC.

 

Limoges le 26 mars 2019

Les parents d'un jeune enfant, victime d'une chute depuis le palier du 7ème étage des parties communes d'un logement ont attaqué leur bailleur en responsabilité et ont obtenu des dommages et intérêts.

Leur demande reposait sur les dispositions de l'article 1721 du code civil :

"Il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail.

S'il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l'indemniser"

Les parents soutenaient que l'accident était intervenu en raison d'un manquement du bailleur à son obligation d'entretien des parties communes puisque l'enfant était tombé d'un barreau manquant au garde-fou, l'espace étant de 24 cm au lieu de 12 cm, ce qui avait permis à un jeune enfant de passer entre les barreaux et de chuter.

Le bailleur reprochait à la mère, seule présente, un défaut de surveillance.

La Cour d'Appel de NANCY avait condamné le bailleur à indemniser les parents de l'enfant et la de Cour de cassation, dans un arrêt de la 3èmechambre civile du 20 décembre 2018, N° de pourvoi: 17-27413, rejette le pourvoi du bailleur, confirmant ainsi la décision de condamnation du bailleur.

La Cour de Cassation considère, en premier, qu'en raison de la généralité des termes employés dans la rédaction de l'article 1721 du Code civil,  la garantie due par le bailleur s’étend aux pertes résultant des dommages corporels.

De plus, le bailleur doit faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives et la Cour précise que le bailleur doit régulièrement effectuer des contrôles de sécurité dans les parties communes.

La Cour ajoute qu'il "ne peut être reproché au preneur de n’avoir pas averti le bailleur de l’existence de ce vice apparu en cours de bail dans la mesure où le bailleur lui-même aurait dû être à même de le déceler au cours de ses visites de contrôle périodiques des parties communes"

Enfin la Cour de Cassation écarte l'argument du bailleur, à savoir la force majeure en précisant que "les quelques instants d’inattention pendant lesquels l’enfant a échappé à la surveillance de sa mère, et qui ont suffi pour que l’accident se produise, ne peuvent être considérés comme de nature à exonérer le bailleur de sa responsabilité"

 

Limoges le 8 février 2019